« Posthume et imposture » : qu’est-ce qu’un auteur ?

Voilà plus de deux ans que j’écris des romans. J’ai toujours voulu écrire. J’avais commencé en 2013 par un premier texte intitulé « Posthume et imposture ». Mon tout premier roman. Plus exactement, mon tout premier texte long. Une écriture ampoulée et un récit inachevé. Conscient de mon talent, j’ai décidé d’envoyer ce manuscrit à des dizaines et dizaines de maisons d’édition. Toutes l’ont refusé. Merci ! Il y a un début à tout. Notamment son premier refus. Pour autant, l’histoire que j’avais écrite continuait de trotter dans ma tête. Je la savais inachevée, mal ficelée, mal écrite. Rien que le titre en dit long sur les deux grands thèmes que je voulais traiter. Pas étonnant de les retrouver dans ma première trilogie. C’était un coup d’essai. J’avais créé deux personnages féminins : Ingrid et Emma. J’écrivais sous mon propre nom, à la première personne, au passé simple et à l’imparfait. Voilà le résumé de mon histoire : une histoire passée, simple et imparfaite.

Aujourd’hui, les romans que j’écris me viennent comme des évidences. Je ne souffre pas, pour le moment, du syndrome de la page blanche. Dès que j’ai le temps, j’écris. Tout se met en place naturellement. Cela fait longtemps que je pense à ce que j’écris. Je le réalise maintenant. Depuis tout petit j’ai emmagasiné des éléments, des idées, des souvenirs qui prennent la forme de récits romanesques. Et mes recherches sur l’imaginaire géographique dans la littérature ne sont pas dues au hasard. Tout est déjà écrit. Tout semble déjà écrit. Voilà un propos de comptoir qui cache pourtant une réalité profonde : qu’y a-t-il d’original dans ce que j’écris ?

Je pense que cette question ne doit pas se poser dès lors que ce que l’on écrit revêt un caractère impérieux, surgit des tréfonds de son âme, de son cœur, de son corps. Le sentiment d’imposture disparaît alors derrière cette évidence : j’écris pour moi, par nécessité. Je ne peux faire autrement. C’est une question de survie. Sans quoi je basculerais dans la folie.

Pourquoi alors vouloir être publié ? Par prétention, évidemment ! Celle de penser que son histoire est unique, mérite d’être lue, découverte, appréciée, commentée. Mais aussi par nécessité. Celle de pouvoir établir un lien avec des inconnus que parfois l’on ne rencontrera jamais. L’écrivain est un être solitaire qui a besoin d’être entouré. De loin, à distance, mais d’être entouré quand même. Du moins, telle est mon analyse. Celle que j’offre avec prétention du haut de mes premiers romans et des quelques rencontres que j’ai faites ici et là. Du haut aussi de mes recherches universitaires, grâce auxquelles j’apparais peut-être un peu plus légitime. Rassurez-vous, je suis lucide sur ma position et ma légitimité. Je sais les relativiser.

Pendant longtemps mes recherches ont porté sur l’inscription de l’imaginaire géographique dans les récits de Jules Verne. Comment Jules Verne bascule-t-il dans ses romans du réel vers l’imaginaire ? Puis, progressivement, je me suis intéressé au « Pourquoi ? ». Pourquoi une œuvre littéraire traverse-t-elle l’espace et le temps, survit-elle à son auteur quand d’autres tombent dans l’oubli ? Et, enfin, j’en suis venu à lier mes deux questionnements concernant non plus l’œuvre, mais l’auteur : pourquoi et comment un homme, une femme, sait que ce qu’il écrit doit être publié, parlera à un large public, doit absolument être édité ? C’est en travaillant plus particulièrement sur l’œuvre de Proust que je suis venu vers ces questionnements.

Jules Verne disait à son père qu’il était sûr qu’un jour il réussirait en littérature : « Je tiens cependant pour assuré qu’avec le temps, j’arriverai en littérature » (4 juillet 1856). « J’étudie encore plus que je ne travaille ; car j’aperçois des systèmes nouveaux » (19 avril 1854). De quels systèmes nouveaux parle-t-il ? Je ne cite ici que Jules Verne mais bien d’autres romanciers ont tenu des propos similaires. De quelles informations disposent-ils pour faire preuve d’autant d’assurance ? Voilà une question à laquelle je suis bien en peine de répondre. Voilà également une question qui n’est pas nouvelle, je le sais. Mais une chose est sûre, j’écris par conviction, celle que j’ai quelque chose d’intéressant à dire. Quelle prétention (!), me direz-vous. Oui, sûrement. Mais je l’assume et je l’ai écrit : « Un romancier est une personne hautement prétentieuse qui pense avoir des choses intéressantes à raconter et le talent pour les écrire. Vous l’avez compris, je remplis à merveille ces conditions. » (L’oncle de Vanessa, p. 127).