Halte à l’écologie punitive !

Mon sang n’a fait qu’un tour quand j’ai lu avec stupéfaction que la maire de Poitiers a décidé de refuser une subvention pour un aéro-club – qui permet notamment à des enfants handicapés de faire des baptêmes de l’air – au motif que voler « ne doit plus faire partie des rêves des enfants ». Voici pour moi la goutte d’eau qui fait déborder le vase du ridicule. Le problème n’est pas tant l’avion et son moteur que le carburant utilisé. Aurait-elle interdit des vols avec un avion disposant d’une technologie plus « propre » (et encore, faudrait-il s’entendre sur ce mot) ? Que pense-t-elle de la prochaine mission de Thomas Pesquet qui va passer six mois en orbite autour de la Terre ?

Ce n’est pas par l’imposition arbitraire d’un modèle de pensée que l’on règle du jour au lendemain les problèmes environnementaux et que l’on fait preuve de pédagogie. Non. L’écologie appliquée par ces politiques fraîchement élus relève de l’idéologie, de la croyance en un modèle qu’ils seraient les seuls à connaître, à devoir mettre en œuvre tels les élus d’un dieu qui en aurait fait ses prophètes. La science et la réalité s’accommodent mal de tels systèmes de pensée.

Le pire est que ces écologistes – qui ne représentent en rien un mouvement plus vaste et légitime – desservent avant tout la cause qu’ils prétendent défendre. Ils pensent le monde de demain à l’aune d’un paradigme éculé, cartésien, disjonctif, un modèle de pensée qui sépare alors que le monde d’après, qui n’adviendra pas en quelques mois ou années, doit être appréhendé à l’aune de la complexité, un modèle de pensée qui relie, qui tient compte des réalités cachées. Un modèle qui court sur le temps long, modèle éloigné des temporalités politiques, évidemment.

Quand j’étais gamin je rêvais d’être pilote de chasse. Je suis devenu enseignant, dans un collège, et chercheur en géographie, à l’Université. Des lieux où le savoir est pensé, réfléchi, analysé, critiqué, observé avec distance, précaution, des lieux où la transmission ne repose pas sur une pédagogie de la punition et la destruction des rêves des enfants. Bien au contraire. C’est en accompagnant, en prenant en compte la complexité d’un sujet, d’un problème, que celui-ci offre toutes ses facettes. L’écologie mise en œuvre par certains de ces élus est une écologie moralisatrice, punitive, une écologie radicale qui oublie d’autres piliers de notre réalité – qu’ils soient économiques, sociaux, moraux, éthiques –, sans compter celui qui est au cœur de nos sociétés : l’imaginaire.

Ce n’est donc pas cela l’écologie. L’écologie (du grec oïkos, qui signifie « habiter », « l’habitat ») est une réflexion sur la complexité des relations que les hommes et les sociétés entretiennent avec leurs environnements multiples, les territoires au sein desquels ils évoluent. C’est d’ailleurs pour cela que l’écologie se doit d’être humaine, en réintégrant l’homme dans les problématiques qu’elle soulève, en reliant l’homme et la nature. Pas en l’excluant. Pas en tuant ses rêves.

Que les écologistes de cette mouvance se rappellent l’expérience d’Icare. À vouloir voler trop haut, à prétendre avoir raison avant les autres, on finit par se brûler les ailes. Plus dure sera la chute, plus dur sera le choc avec la réalité, plus dur sera l’avis des citoyens lors des prochaines élections. Les propos de ces écologistes volent bien bas. Peut-être est-ce pour cela que voler ne les fait plus rêver...

Tribune publiée dans La République des Pyrénées (10 et 17 avril 2021)