Des « Sages » pas si sages...

Je voudrais réagir sur un plan professionnel aux décisions prises par le Conseil Constitutionnel concernant la loi Molac, relative aux langues régionales et à leur enseignement (lien). Les « Sages » ont en effet censuré la disposition relative à l’« enseignement immersif » (dans les écoles publiques) car contraire à la Constitution et à son article 2 : « La langue de la République est le français ». Or dans ce même article 2 de la Constitution (1958) est écrit : « Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ».

Les langues régionales sont une réalité en France. Mais une réalité combattue depuis la Révolution française et pendant tout le XIX° siècle (et une bonne partie du siècle d'après bien sûr). Il se trouve que j'enseigne l'histoire-géographie-emc en occitan dans un collège (privé sous contrat ; structure gratuite, laïque et associative). J'y enseigne aussi le français. Je suis donc bien placé pour expliquer que l'enseignement en occitan et de l'occitan ne constitue pas un danger pour la République et sa langue française. Bien au contraire ! Les élèves de ces établissements (Calandreta) parlent couramment occitan, français et souvent, en fin de cycle, l'espagnol. Ils maîtrisent aussi l'anglais, bien mieux que dans certaines structures monolingues. Nous en faisons des citoyens occitans, sensibles à une culture et une langue régionales, et des citoyens français qui connaissent et défendent les valeurs de la République, appliquent et véhiculent les valeurs humanistes, républicaines et démocratiques de la France. Nous ne sommes pas des terroristes, de ceux qui mettent en danger la République, son unité, sa langue, son histoire. Bien au contraire ! L'apprentissage de l'occitan renforce la maîtrise du français, le bilinguisme, le trilinguisme, etc. Nous transmettons une réalité linguistique, culturelle, géographique, historique, patrimoniale : une langue régionale c'est une culture, un territoire, une histoire, des hommes et des femmes. Les programmes enseignés sont ceux de l'Éducation nationale, l'épreuve d'histoire-géographie-emc est composée en occitan au DNB, nous sommes payés par l'État, inspectés par des IPR, nous suivons parfaitement les règles de la République. Seule la langue change. J'enseigne le français en me servant de l'occitan pour parfaire justement la maîtrise du français (orthographe, syntaxe, grammaire, conjugaison) ! L'occitan est un plus pour maîtriser le français et inversement. Les langues sont au service les unes des autres.

Censurer l'enseignement des langues régionales au motif que « La langue de la République est le français » c'est donc, pour moi, escamoter cet autre principe constitutionnel : « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. » Mais je ne suis pas constitutionnaliste... Et comme le dit si bien Henriette Walter : « Il faut donc bien comprendre que non seulement les patois ne sont pas du français déformé, mais que le français n’est qu’un patois qui a réussi » (Walter Henriette. Le français dans tous les sens : grandes et petites histoires de notre langue. Paris, Laffont, 1988, p. 18).

Pour les personnes intéressées par ces questions, je les aborde sous un angle géographique dans cet essai : « Géographies. Le territoire et ses paradoxes » : lien

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