Oui, les langues régionales doivent être enseignées à lʼécole !

Je remercie la République des Pyrénées dʼavoir publié la tribune dʼAlain Bentolila concernant lʼenseignement des langues régionales à lʼécole (25 septembre). Lire un telle tribune dʼun professeur de linguistique fait froid dans le dos...

Je ne reviendrai pas sur les critiques que son texte et dʼautres auparavant ont soulevées. Un petit tour sur un moteur de recherche permettra au lecteur de me faire gagner quelques lignes supplémentaires afin de rappeler quʼune langue nʼest pas quʼune langue, fût-elle régionale. Or cʼest bien ce que semble oublier Alain Bentolila. À le lire, seule la langue française devrait être enseignée à lʼécole (et donc au collège, au lycée). Exit les langues « mortes » – laissons-les enterrées là où elles sont ! – et les langues vivantes – attention, si elles sont trop vivantes elles risquent de manger la laine sur le dos du pauvre enfant qui a déjà du mal à maîtriser sa langue maternelle…

Alain Bentolila parle dʼ« isolats scolaires en Bretagne, en Occitanie » qui ne seraient justifiés ni sur le plan pédagogique ni sur le plan social : « Il sʼagit dʼune revendication purement idéologique qui ne concerne dʼailleurs quʼune minorité dʼenfants plutôt favorisés ». Cʼest bien mal connaître lʼenseignement des langues régionales en France... et la sociologie des parents concernés !

Peut-être est-il bon de rappeler ainsi quʼune langue est plus quʼune langue : elle est lʼexpression dʼun territoire, dʼune histoire, dʼune culture, dʼune littérature, dʼun imaginaire, dʼune altérité que lʼon ne peut nier et éradiquer au nom de lʼapprentissage unique dʼune langue dominante. Comment un linguiste peut-il ne pas comprendre la richesse de celui qui maîtrise plusieurs langues (régionales ou non), les unes permettant de naviguer vers les autres, de les enrichir, et donc de mieux les apprendre, les comprendre ? Quelle idéologie sous-tend lʼécriture dʼune telle tribune ? La République est une et indivisible. Donc sa langue doit être unique ? Qui pense aujourdʼhui encore que défendre une langue régionale, via notamment son enseignement à lʼécole, constitue une menace pour la République ? Qui pense aujourdʼhui encore quʼapprendre des langues anciennes, régionales et/ou vivantes, se fait au détriment de la maîtrise de la langue française ? Manifestement ce linguiste, bien mal informé.

À faire des procès dʼintention et asséner des jugements de valeurs et moraux – qui témoignent avant tout dʼune méconnaissance véritable du sujet – on finit par se faire prendre à son propre piège : celui dʼattribuer aux autres une idéologie qui est avant tout la sienne.

Au collège de Laruns un enseignement de la langue sifflée des bergers est dispensé par des professeurs qui cherchent à faire (sur)vivre une langue menacée de disparition. Lʼenseignement de lʼoccitan, du basque, du breton, du corse procède de cette logique. Ce nʼest pas parce que quelques hurluberlus minoritaires souhaitent quʼun jour leur territoire linguistique puisse devenir une région autonome que la pierre doit être jetée sur celles et ceux qui perpétuent par lʼenseignement une langue régionale, son histoire, sa géographie, sa culture, lesquelles ont participé avant tout et activement à la construction de la France, dans sa complexité et sa diversité... linguistique.

Réponse publiée par La République des Pyrénées
dans son édition du 2 octobre 2021.